La Paix, toute une histoire !

Chantal Lebrat, a créé les Éditions Renaissens, un concept audacieux à destination des personnes handicapées. Elle vient de publier sa première écrivaine Sophie-Victoire Trouiller, aveugle de naissance. En sollicitant toutes ses compétences professionnelles, direction littéraire, direction artistique, secrétariat de rédaction, administration et promotion tout en respectant scrupuleusement les règles de l’art, elle a réussi à limiter les coûts de fabrication. Son projet n’existe pour l’instant que grâce à son courage et sa ténacité, tout comme sa grand-mère Marie Freydier qui, en 1914, à 20 ans, créa de toutes pièces la boutique Layette et nouveautés place de la Fontaine et la tint jusqu’en 1970. Après la Grande Guerre elle épousera Samuel Lebrat qui sera plus tard médaillé de la Résistance.

Âgée de 56 ans, Chantal Lebrat combat depuis trente ans une sclérose en plaque récurrente-rémittente d’évolution progressive ce qui ne l’a pas empêchée de parcourir le monde notamment pour le comité international de la Croix-Rouge.

Objectif : dix livres par an

Depuis 2011, les symptômes se sont aggravés, elle ne peut plus les cacher et malgré ses qualifications elle ne trouve aucun travail. Elle reprend alors des études de droit et rencontre Sophie-Victoire Trouiller. Ensemble elles entreprennent une enquête sur le handicap et l’emploi auprès des acteurs publics et privés, tout en cherchant à simplifier la réglementation qui « handicape » d’autant les bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés. Face au constat, Chantal Lebrat décide de créer les Éditions Renaissens pour permettre aux personnes handicapées de se construire une vraie visibilité. « Mon objectif est d’éditer une dizaine de livres par an, cinq sont en préparation. Trois sont écrits par des aveugles et deux par des sourds. Je souhaite permettre à ceux et celles que la société met à l’écart de se faire connaître, de montrer ce dont ils sont capables, d’intriguer, de sensibiliser, peut-être de décrocher un emploi et, surtout, de changer radicalement le regard de la société sur le handicap, oser un autre regard ».

Sophie-Victoire Trouiller, née le jour de la chute du Mur de Berlin, analyse le processus de réconciliation nationale par le biais du storytelling (récit irréfutable auquel chacun est tenu d’adhérer) et renverse les idées reçues en matière de cécité. Cette jeune aveugle revendique le droit de penser et de proposer. « Raconter une histoire pour imaginer la paix ? À la suite de toute guerre, une nation doit fédérer ses habitants autour d’un avenir commun, possible uniquement en reconstruisant une mémoire collective. Quelles stratégies adopter pour restaurer la communication entre les groupes antagonistes et toujours traumatisés ? » Cet essai est une réflexion sur divers récits nationaux ouvrant à un processus de paix partagée, avec leurs pièges et leurs interrogations.